Valenciennes
Après la pollution de la Scarpe, les pêcheurs sont « écoeurés »
dimanche 25.05.2008, 04:53 - La Voix du Nord
| ENVIRONNEMENT |
La Scarpe une nouvelle fois polluée. Plusieurs tonnes de poissons morts ont été découvertes en milieu de semaine dernière entre Saint-Amand et Mortagne. Faute de poissons, les pêcheurs n'y plantent plus leurs cannes. Ils sont dépités. « Écoeurés ».
PAR VÉRONIQUE BERTIN
vbertin@lavoixdunord.fr PHOTO « LA VOIX »
L'odeur est insupportable. Une odeur de poissons morts et de vase qui donne la nausée et qui s'incruste jusque dans la voiture. Le long de la Scarpe, à la sortie de Saint-Amand-les-Eaux, seule cette odeur témoigne encore de la catastrophe écologique qui s'est jouée la semaine dernière. Vendredi, une bouteille d'eau vide et une chaise cassée se baladent sur l'eau. Une semaine plus tôt, des centaines de poissons morts (carpes, brèmes, perches, etc.) flottaient à la surface. Six tonnes de poissons au moins auraient ainsi terminé à l'équarrissage. Et de poissons, il n'y en a pour l'instant plus dans la Scarpe. « On ne pourra plus pêcher avant trois ou quatre mois », se désole Tahar Abassi. Le garde-pêche, président de la section compétition des pêcheurs de Saint-Amand, a été contraint et forcé d'annuler deux concours : un concours franco-belge lors de la fête de l'Eau et un concours à l'américaine, le 7 juillet. « Quand on va en Belgique, on prend entre 30 à 40 kg de poisson. D'habitude, ici, on prend entre 1 à 4 kg. Là il n'y aura rien. Si on maintient les concours, on va donner une mauvaise image de notre ville », observe-t-il.
Une « catastrophe »
Ce pêcheur depuis 1963, garde-pêche depuis dix ans, connaît bien les rives verdoyantes de la Scarpe. Il n'a pas la mémoire courte et il se souvient bien de la précédente pollution : « C'était la même chose et au même endroit. On a perdu vingt et une tonnes de poissons. » L'autre jour, il a été appelé du côté de la piscine de Saint-Amand : « Il y avait de la merde dans le drain et ça allait à la rivière.
» Le pêcheur montre du doigt une mauvaise politique d'assainissement qui conduit à des « catastrophes ». Bien décidé à prouver ses dires, il désigne la vieille Scarpe qui coule perpendiculairement à la rocade Nord : « Ce sont les petits ruisseaux qui polluent les rivières. La Scarpe est belle mais les petits ruisseaux sont pollués et comme ils se jettent dans la Scarpe... » Il était là quand les gendarmes ont effectué des prélèvements dans la Scarpe : « Ils ne vont rien trouver. Il faut contrôler les fossés et les petites rivières. Je leur ai dit.
» « Les rivières ne sont jamais nettoyées et le traitement de la vase coûte trop cher », constate Jean-Jacques Leprince, un pêcheur de Mouchin licencié à Saint-Amand.
Les pêcheurs ne vont donc plus pouvoir pêcher dans la Scarpe d'ici à un bon moment. Cela ne fait que rajouter à leur colère déjà grande. Dominique Soriaux est aussi un pêcheur de compétition. C'est l'un de ceux qui a donné l'alerte. Il constate que la Scarpe est de moins en moins poissonneuse : « Si on faisait la chasse aux cormorans, il y aurait plus de poissons. » Tahar Abassi et Jean-Jacques Leprince confirment. Les pêcheurs en ont aussi marre de ne plus pouvoir accéder facilement à leurs lieux de détente ou de sport. « On n'a plus de parkings et les barrières nous empêchent d'aller au bord de l'eau en voiture », s'énerve Dominique Soriaux. « Quand vous faites de la compétition, vous avez environ 80 kg de matériel. Il faut donc pouvoir accéder au plus près », remarque Jean-Jacques Leprince. Même pour les entraînements. « Les personnes âgées ne peuvent plus aller pêcher pour leur loisir », ajoute Tahar Abassi.
Enquête
Les sept cents pêcheurs de Saint-Amand (mille deux cents il y a quatre ans) attendent avec impatience les résultats de l'enquête menée par la gendarmerie. Lors de la précédente pollution, les causes étaient restées indéterminées. Mais cette fois, les pêcheurs sont bien décidés à en connaître l'origine. Depuis cette pollution, ils ont déserté les bords de la Scarpe dans l'Amandinois préférant la Scarpe du côté de Douai (« des efforts ont été faits là-bas et maintenant il y a pas mal de poissons ») ou alors les rivières belges. Là où le poisson foisonne. •